«Je n'ai pas l'intention de mendier»
José Bové dénonce les pressions exercées sur les élus qui pourraient lui accorder leur signature.
Par Matthieu ECOIFFIER
Libération: vendredi 23 février 2007
dernier parti dans la course présidentielle, José Bové, candidat
de la gauche alternative, peine à recueillir les 500 parrainages
nécessaires à sa candidature. Il lance un appel aux grands partis
qu'il accuse de
«verrouiller la démocratie».
Où en êtes-vous ?
On en est à 330 signatures. Cela avance pas mal, mais le délai
est court, et les parrainages arrivent au compte-gouttes. Sur le
terrain, les maires qui ont une couleur politique disent avoir reçu
la consigne de leur parti de ne pas parrainer d'autre candidat que
celui de leur parti. C'est notamment le cas des élus PS et PC avec
qui nous avons le plus de contacts, mais aussi de maires UMP ou
UDF. Ils disent :
«On aimerait bien vous donner notre signature, mais on attend
les ordres de Paris...»
Ces consignes sont-elles orales ?
Le plus souvent, car mieux vaut ne pas laisser de trace à ce
verrouillage démocratique. Il faut compter aussi sur les pressions
redoutables des féodalités locales sur les maires des petites
communes. Les budgets municipaux dépendent en grande partie de
dotations versées par le département ou la région. L'un des maires
qui m'a accordé son parrainage a ainsi été averti que l'extension
de sa salle des fêtes serait bloquée par le conseil général. En
vérité, les quatre grands partis représentés à l'Assemblée ont
décidé d'empêcher au maximum l'émergence de candidats issus
d'autres sensibilités. En refusant leur parrainage par crainte des
représailles politiques ou des sanctions financières, les élus
n'accomplissent pas leur devoir civique. Un parrainage, en effet,
ne consiste pas à adhérer au projet politique de tel ou tel
candidat, mais à considérer que tel ou tel courant mérite de
participer au débat démocratique de la présidentielle. Verrouiller
la démocratie, c'est favoriser l'abstention et la démobilisation
électorale.
Dans cette course aux parrainages, demandez-vous à
Olivier Besancenot de se désister en votre faveur ?
Je suis le candidat des collectifs unitaires antilibéraux qui se
battent, depuis des mois, pour une candidature unique de la gauche
alternative. Je ne suis donc pas fermé à l'idée d'un rassemblement
pour la présidentielle. Bien au contraire. Mais j'ai cru
comprendre, dans l'immédiat, que Marie-George Buffet et Olivier
Besancenot préféraient défendre les couleurs de leur parti
respectif.
Avez-vous contacté la direction du PS ?
Mon combat sur les parrainages est un combat de principe. Je
n'ai pas l'intention de mendier. Je constate juste que l'analyse du
PS est stupide et dangereuse. La gauche a besoin de toutes ses voix
au premier tour pour gagner au second. Or, dans l'électorat
populaire, j'ai le sentiment d'une hostilité à Sarkozy, mais pas
d'une adhésion à Ségolène Royal. Des élus qui parrainent notre
candidature ont demandé à leurs responsables de parti de lever la
consigne de blocage. Si les grands partis veulent m'empêcher d'être
candidat, ils le peuvent. Mais nous ne nous laisserons pas
bâillonner. S'il faut, dès la semaine prochaine, mobiliser et
manifester contre le verrouillage de la démocratie, nous le
ferons.