La Déclaration de Candidature
La France n'a jamais été aussi inégalitaire.
Un grand patron gagne 300 fois ou plus qu'un smicard. Les plus riches désertent leur devoir fiscal quand 100 000 personnes dorment dans la rue. Les stocks-options récompensent les licenciements boursiers.
Il est temps de mettre fin à un système qui entraîne la grande majorité des salariés vers la précarité et l'insécurité sociale. Il est temps de décréter l'insurrection électorale contre le libéralisme économique.
Plusieurs dizaines de milliers de personnes m'ont proposé
d'être candidat à l'élection présidentielle. J'ai décidé d'accepter que mon nom
incarne, sur le bulletin de vote, la volonté commune de battre la droite et
l'extrême droite et de redonner l'espoir d'une alternative à gauche. J'ai décidé
d'accepter, pour que continue le combat de rassemblement de toutes les forces de
la gauche de la transformation sociale, solidaire, écologiste, antiraciste et
féministe.
Nous ne nous résignons pas à la division actuelle de ces forces.
Nous voulons être le trait d'union entre toutes celles et tous ceux qui veulent
que la vie change vraiment.
Je ne suis pas le candidat d'un parti. Je ne suis pas un professionnel de la politique. Ma candidature est celle d'un rassemblement de forces et de citoyens issus du mouvement social, du monde syndical, de courants politiques et des associations de l'immigration qui aspirent à l'unité de cette gauche-là. Cette candidature est une candidature collective portée par de nombreuses voix.
J'appelle
aujourd'hui les élus communistes, écologistes, alternatifs, socialistes
anti-libéraux, à nous permettre, grâce à leurs parrainages, de participer à la
campagne officielle.
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Nous voulons être les porte-voix des
sans-voix, de ces millions de citoyennes et de citoyens qui souffrent de la
précarisation sociale et des discriminations. Nous voulons leur dire que
l'abstention ou le vote Le Pen conduisent tout droit à l'élection de Nicolas
Sarkozy.
Monsieur Sarkozy est un homme dangereux pour notre pays. Sous
couvert de promesses multiples, son projet est d'aller encore plus loin dans la
voie d'une logique économique qui favorise les plus forts et pénalise les plus
faibles. Il est le candidat du MEDEF, du contrat précaire généralisé, du
démantèlement progressif du code du travail et des services publics, de la
suppression de fait de l'impôt sur les fortunes, de l'insulte contre les jeunes
des quartiers, du mépris conter les agents des services publics. C'est l'homme
de la dissolution de l'Etat social et de sa transformation en Etat policier et
carcéral. Cet ami de Blair et de Bush nous prépare une République
communautariste et atlantiste.
Nous voulons aussi défendre un projet et des solutions pour toutes celles et tous ceux qui souhaitent que la vie change vraiment. Nous voulons dire qu'une alternative est possible à celles et ceux qui ne croient plus à la gauche traditionnelle, qui se sont insurgés en votant massivement « non » au projet de traité constitutionnel européen, en se révoltant dans les quartiers populaires, en rejetant le CPE.
Madame
Royal incarne une gauche qui a renoncé. Face au social-libéralisme qui a conduit
toute la gauche au désastre électoral en 2002, face au projet d'un parti
socialiste autiste, qui manifeste un refus de rompre avec la logique économique
libérale, nous voulons opposer une gauche de transformation sociale et
démocratique, une gauche antiraciste, féministe et écologique. Une vraie
gauche.
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Notre projet est le fruit d'une expérience et d'une
réflexion menées par les militants et les acteurs du changement social. Il
résulte d'un travail collectif sans équivalent, qui a rassemblé toutes les
composantes de la gauche antilibérale. Il n'est pas le résultat d'une approche
technocratique qui vise à concilier les dures lois du profit avec un peu d'ordre
juste.
Nous voulons que les citoyennes et les citoyens soient
démocratiquement appelés à conduire et à contrôler la transformation sociale.
Notre programme est un outil à la disposition des électeurs et des électrices
pour qu'ils se réapproprient l'exercice du pouvoir.
Premièrement, nous voulons l'élaboration d'un plan d'urgence sociale. La réduction massive du chômage et de la précarité est une priorité, ce qui suppose de développer des activités utiles, créatrices d'emplois, d'imposer une stricte réglementation des licenciements et d'instaurer un système de sécurisation professionnelle tout au long de la vie. La revalorisation des minima sociaux et des bas salaires doit être accompagnée d'une fiscalité fortement progressive pour les hauts revenus afin de limiter les inégalités indécentes de revenus. C'est l'exigence de nouvelles relations dans le travail et de nouveaux droits sociaux que nous voulons porter. C'est la nécessité de lutter contre la spéculation financière et de contrer la puissance de l'actionnariat.
Deuxièmement, nous voulons instaurer un nouveau modèle de développement. C'est à la redéfinition du type de croissance, de production, d'échange et de consommation qu'il faut s'atteler. Il faut s'attaquer à la toute-puissance des firmes transnationales et des marchés financiers, car leur soif de profit et leur mépris de l'humanité mettent la planète ne péril. La question du nucléaire comme celle des OGM doivent être soumises à un débat citoyen qu'il faut conduire et trancher démocratiquement, en toute transparence.
Troisièmement, nous voulons que les millions de personnes qui vivent dans les cités de banlieues, dans les quartiers populaires - quelles que soient leurs origines et leurs croyances - ne soient plus considérés comme des sous-citoyens dans ce pays qui est le leur. Ils ont droit à la justice, à l égalité et à la dignité. Il n'est pas acceptable que l'accès aux droits fondamentaux, à la santé, à l'éducation, à l'emploi, au logement, leur soit restreint, et que la seule réponse aux problèmes qu'ils rencontrent soit celle de la répression policière et sécuritaire qui aboutit souvent, en toute impunité, à des violences, voire des morts.
Quatrièmement, nous réaffirmons que tout être humain, parce que c'est un être humain, doit être reconnu dans son humanité. Nous refusons qu'on continue de priver un être humain de sa dignité en le privant de papiers.
Cinquièmement, la transformation démocratique et sociale exige d'en finir avec le régime de la V° République. C'est la démocratie toute entière qui doit être vivifiée. Nous voulons une nouvelle République laïque, ouverte sur la société telle qu'elle est, ouverte sur le monde, une démocratie politique, sociale et citoyenne, qui élargisse le socle des droits fondamentaux, à commencer par les droits sociaux.
Sixièmement, dès 2007, dans la cohérence avec le « non » du 29 mai 2005, nous entendons que la France propose la refondation de la construction européenne sur des bases démocratiques et sociales. Nous demandons la fin des traités existants et nous proposerons un nouveau texte fondateur. Nous n'accepterons pas que la nouvelle politique qui aurait été choisie par notre peuple soit interdite par les décisions européennes. La présidence française de l'Union, au second semestre 2008, est l'occasion de porter largement l'exigence d'un tel changement.
Septièmement, nous nous engageons à pratiquer l'équité pour les départements et territoires d'outre-mer et leur laisser le choix de l'autodétermination.
Huitièmement, nous voulons, avec tous les peuples qui souffrent, combattre et faire reculer les politiques de libéralisation qui favorisent la guerre économique, l'exacerbation des concurrences, les privatisations et les déréglementations. Nous mettrons fin à la capacité de nuisance des institutions (Banque Mondiale, Fonds Monétaire International, Organisation Mondiale du Commerce) qui renforcent les inégalités et provoquent des souffrances à l'origine de guerres. Nous défendrons le droit à la souveraineté alimentaire et le libre accès pour tous aux bien communs de l'humanité, dont l'eau.
Enfin , parce que les femmes assument de multiples responsabilités, au travail, à la maison, vis à vis des enfants et des proches dépendants, parce qu'elles sont majoritaires parmi les chômeurs, les précaires et les bas salaires, nous voulons qu'elles soient les premières bénéficiaires de l'amélioration de nombreux services publics : de la priorité, accordée à un service public de la petite enfance, et des mesures contre le chômage et la précarité. L'objectif de l'égalité entre les femmes et les hommes doit être poursuivi dans toutes nos décisions. Il est grand temps d'en faire une réalité.
Ce que nous souhaitons est possible, ici et maintenant, à
condition de mettre fin au dogme économique libéral.
Ce que nous souhaitons
est possible, ici et maintenant, à condition d'assumer une véritable
transformation sociale.
Ce que nous souhaitons est possible, ici et
maintenant, à condition que nous nous rassemblions, dans l'unité, pour faire
avancer la gauche alternative, écologiste, antiraciste, féministe et
solidaire.
José Bové,
St Denis, 1 février 2007